Caméra

Par sanchopancha le 30 septembre 2016 1
Dans Expériences de complices

La caméra est braquée sur ton visage et mon sexe est dressé à hauteur de ta bouche. Je ne sais pas encore si tu as accepté de t’exhiber à visage découvert ou si par timidité tu préfères l’anonymat d’un masque.

L’avantage du masque t’offre la possibilité de lâcher prise sur le réel. Le masque te laisse la possibilité de te laisser embarquer dans l’univers des fantasmes. Le masque laisse la possibilité du compromis entre les règles morales qui entravent et le vertige de l’érotisme.

Si tu acceptes de rester à visage découvert, l’affranchissement est plus intense sans doute mais plus périlleux aussi. Dans cette situation, nous offrons chacun à l’autre le spectacle de nos émotions intimes.

Ton regard se plante dans le mien. Seule la caméra met un peu de distance. Face à tes yeux ouverts, je me mets alors dans une posture humble. Ton regard qui scrute mon plaisir m’intimide. Quel plaisir pourtant de se situer dans cette forme de soumission !

Ton regard ordonne à mon plaisir la discrétion. Dans le silence de cet échange, tes yeux disent : « Puisque j’accepte ton jeu, puisque je m’abandonne à tes fantasmes, prends le temps de me respecter, prends le temps de me contempler ! ».

L’intensité du moment est principalement cérébrale. Elle se joue dans les mystères de l’imagination de l’autre. Si tu gardes les yeux clos, les possibilités de dérouler le fil de l’imaginaire est sans limites. Les personnages de ton imaginaire peuvent se substituer à la caméra et à mon sexe. Tu t’exhibes devant moi et devant d’autres.

Pour moi, le plaisir est celui du spectacle de ton abandon. Tu lâches prise sur le réel, tu te permets de t’affranchir des rôles sociaux du quotidien, tu laisses ton corps aller vers ses pulsions, tu t’abandonnes dans une relation de confiance et d’amour, sans la crainte d’être jugée.

Yeux clos ou yeux ouverts ? Quoiqu’il en soit désormais, mon sexe est tendu vers toi, à la lisière de ta bouche. C’est là dans cette posture que mon imagination me porte à te regarder autrement que dans le confinement étroit des conventions. L’excitation est palpable. Elle l’est déjà au simple fait d’écrire ces lignes.

Mon sexe est turgescent. Je perçois le souffle chaud et humide de ta bouche. J’ai envie d’y pénétrer comme vers un lieu inconnu. J’avance avec lenteur et mon cœur palpite. La peau frissonne des pieds jusqu’à la tête. Maintenant tes lèvres déposent un baiser comme une invitation à me rendre dans les profondeurs de mon imaginaire.

Ta bouche aspire mon gland. Je suis presque comme dépossédé de moi-même. Il n’est pas encore certain que mon prénom soit le mien, il n’est pas certain que je m’appartienne encore. Il est certain que je t’appartiens, il est certain que j’appartiens à l’extase de ton consentement. La caméra ce n’est plus moi, le sexe ce n’est plus moi.

Ta langue dessine des arabesques sur le gland de ce sexe brûlant de plaisir. Tu lèches la hampe et descend vers les bourses que tu roules entre tes doigts. Je ne suis plus qu’un amant, un amant anonyme. Ton plaisir grimpe dans l’intensité de faire plaisir. L’amant désire percevoir l’intensité de tes émotions, il contemple ton visage qui danse sur lui.

Peut-être es tu véritablement excitée de le soumettre ainsi aux voluptés de ta bouche. Ton sexe à présent est humide aussi. Tu es la maîtresse de ton amant.

Étrange paradoxe que d’éprouver le plaisir de t’imaginer prise par l’étreinte d’un autre homme, exalté peut-être par une forme de sentiment d’abandon déchirant mêlé à une jalousie possessive.

Dans l’étourdissement du moment, tu n’es plus sûre toi-même de rien. Cette verge que tu domptes c’est la verge de tous les hommes désirant. Ta bouche, c’est la bouche de tous les rôles féminins exclus de ton quotidien et de ta culture ou de ton éducation. Il y a comme une sorte de puissance qui te transcende à aspirer ce sexe. Il n’y a pas de mépris à se transformer soudainement en amoureuse du sexe. Il y a comme une révolte culturelle à l’encontre d’une morale qui juge et inhibe. Les hommes et les femmes ne sont ils pas sans cesse serrés dans un étau ?

L’érotisme atteint le sacré car il se joue dans l’intimité des chairs. Il transcende les corps dressés dans le carcan d’une culture. Il faut se réjouir d’appartenir à une culture qui n’interdit pas aux corps d’accéder à l’imaginaire. L’érotisme et la pornographie tournent en dérision une société qui se prend top au sérieux.

L’érotisme agit comme une esquive à la mécanique de compression de l’individu par les normes. L’érotisme défi les lois oppressantes du quotidien. L’érotisme exalte à la fois la beauté, le grotesque et le tragique. C’est une exagération de la réalité. Te voici à présent actrice du désir.

Dans la maîtrise de ton geste, ton corps lui-même trésaille. On voit tes fesses qui ondulent et se cambrent. Ce n’est pas un homme qui te regarde. C’est mille hommes qui te contemplent, c’est mille verges qui se dressent et palpitent.

Ta bouche pourrait se donner à d’autres jusqu’à ressentir des crampes dans la mâchoire. Des sexes pourraient se succéder les uns après les autres pour te pénétrer et t’inonder du plaisir de leurs assauts en toi. Tes mains se cramponnent à des corps, à des cuisses, à des torses. Tu t’accroches à leurs épaules, tu griffes leur peau. Tu respires le parfum des hommes suant de plaisir qui te chevauchent avec une frénésie animale. Leur sueur se mélange à la tienne. Les corps glissent dans le courant de cette sudation. Tes mains caressent des verges tandis que tu poursuis intensément ta fellation.

Les sexes se succèdent dans ta bouche. Tu te délectes de la diversité de leur goût, de leur odeur, de leur longueur, de leur épaisseur, de leur texture de peau. Tu savoures leurs manières différentes de te pénétrer. Tu saisis leur sexe d’une main tantôt douce tantôt ferme. Tu les palpes et ressent dans la rigidité de leurs sexes le témoignage d’un désir dont tu es l’objet. Ils traversent tes jambes écartées et remontent à ta demande au plus profond de toi. Tu trembles, tu t’étourdis, tu vacilles, tu expires. Ils vont, ils viennent en toi et se cramponnent à tes hanches.

Il est temps à présent que tes hommes s’abandonnent à leur orgasme, qu’ils se libèrent de leurs attentes. Il est temps qu’ils expirent un dernier soupir sur l’objet de leurs fantasmes. Pour toi, ils ont tenté de retenir l’explosion de leur jouissance. Des litres de leurs semences jaillissent dans ta direction comme pour te témoigner une forme d’hommage, comme pour te proclamer la reine unique de la ruche.

Tu incarnes une œnologue qui explore le champ des saveurs sexuelles. Tu t’enivres du sperme des hommes comme d’une liqueur aphrodisiaque. Tu apprécies la diversité de chaque semence. Leur sperme est tantôt épais, tantôt liquide. L’odeur est tantôt forte ou délicate. Le goût est fade, salé ou poivré. Ils giclent des jets de lumière par saccades au fond de ta gorge comme une étoile de passage éclaire la nuit. Ils se répandent sur tes seins aux pointes dressées et rougies de désir. Une lave blanchâtre et épaisse coule lentement sur tes fesses cambrées et offertes. Elle suit les méandres de ton corps et s’infiltre vers ta chatte ouverte. C’est un torrent qui déborde et pénètre la surface de la terre. C’est une énergie qui fertilise et remplit les entrailles du monde.

Tu distingues des couleurs nuancées. Tu apprécies surtout regarder les hommes s’évanouir, le regard étourdi de plaisir. Contre ta poitrine, tu sens les palpitations de leurs cœurs qui s’accélèrent et annoncent l’éclosion d’un plaisir imminent. Tu vois leurs yeux se dilater soudainement. Tu lis dans leurs visages les déformations de leurs traits qui indiquent un abandon total. Tu savoures ton règne en écoutant leurs soupirs retenus ou de leurs cris bestiaux. Puis c’est le silence. Le rythme des palpitations se ralentit.

Tu sais qu’en face il n’y a peut-être que moi à te regarder. Il y a comme une forme de déception à revenir vers la réalité et cependant une forme de réassurance.
Les hommes craignent cet instant de l’orgasme car il est synonyme de leur chute, de la perte momentanée de leur désir quand au même instant celui d’une femme s’intensifie encore et ne demande qu’à se renouveler. Parce que le corps des mâles humains est limité, leur imagination est peut-être sans limites. Parce que le corps des femmes repousse les limites, elles s’abandonnent parfois aux fantasmes des hommes qu’elles aiment.

La parenthèse de ton imaginaire est peut-être moins sauvage, moins crue. C’est un peu ma manière à moi de te provoquer, de te pousser une fois de plus dans tes retranchements, de t’attirer à moi pour m’abandonner dans une confiance totale.

Dans les faits, je t’imagine déjà accepter de t’offrir à ma demande. Je te vois accepter le jeu d’une mise en scène où la caméra introduit une distance dans notre intimité. Je te vois endosser avec plaisir le rôle d’une suceuse, de la suceuse de mon sexe. Je te vois exécuter avec plaisir la quête de m’offrir le plaisir de te regarder. Je te vois comme je t’ai vue dans la torpeur envoûtante de l’été avaler mon sexe sur la terrasse d’une maison de vacances. La brise légère de l’océan caressait nos peaux traversées par la chaleur diffuse de notre plaisir partagé.

Je te vois allant au bout de mon plaisir et m’offrir le spectacle de ta bouche se délectant avec sensualité et lenteur du sperme qui jaillit de mon sexe et se répand en toi ou le long de ma verge. Je veux assister comme à un feu d’artifice à l’explosion de mon sperme dans ta bouche. Je veux deviner aux traces de sperme qui restent à la commissure des lèvres le témoignage de l’intensité du plaisir que j’aurais ressenti dans l’instant qui précède. Et c’est toi qui a le pouvoir de dire oui de dire non.

Je veux surtout tordre le coup au quotidien qui subit les lois d’une vie sociale qui ordonne de rétrécir les espaces de l’intime.

1 commentaire

Caméra

Par Candaule le 1er octobre 2016

Bonjour Sancho,
j’aime beaucoup votre manière de décrire cette complicité et le regard que vous posez sur Elle et son plaisir !!! Un style différent, une manière de jouer avec les mots qui a une saveur bien particulière. Bravo et merci pour ce splendide témoignage !