Désir et plaisir les secrets de la libido

Les secrets de la libido, le documentaire

Par Candaule le 3 avril 2016
Dans La relation de couple

Comment naît le désir et pourquoi disparaît-il ? Des chercheurs du monde entier cherchent à percer les secrets de la libido dont les commandes logent dans le cerveau. « C’est dans la tête pas en dessous de la ceinture » proclame Werner BARTENS, journaliste médical.

Pour les couples de longue date, le feu de la passion finit souvent par s’éteindre ; évolution inéluctable, problème d’ordre logique. « Nous vivons dans une société où il faut se justifier de ne pas avoir de désir sexuel » affirme Werner BARTENS
L’industrie pharmaceutique travaille sur un médicament capable de doper la libido féminine avec des profits juteux à la clé.

« Il y a clairement un marché énorme pour ce médicament » nous précise Daniel BERGNER auteur de « Que veulent les femmes ? »

Depuis toujours, les femmes passent pour des êtres sans désir, un mythe battu en brèche par des découvertes scientifiques récentes.
« Le désir féminin met en jeu beaucoup plus d’éléments que la science n’a bien voulu le croire jusqu’à présent » nous dit Corinna RUCKERT, spécialiste en sciences de la culture.
« Nous allons bien finir par admettre que les femmes ont une libido aussi importante que les hommes mais que celle-ci s’exprime différemment » précise Helen FICHER, anthropologue

Notre vie est guidée par la satisfaction de besoins primaires : manger, boire, dormir, aimer et être aimé, avoir des relations sexuelles, se reproduire ; autant de besoins physiologiques que partagent les deux sexes. Leur désir sexuel en revanche prend des voies différentes. Les femmes, dit-on, sont en quête d’une relation stable, les hommes seraient moins enclins à la monogamie.

A l’institut de sexologie de l’université de Keele, Jorge PONSETI, psychologue sexuel, étudie le désir féminin et nous présente son expérience. Il s’adresse à une jeune femme qui participe à son étude :
« Voici la sonde vaginale dont je vous ai parlé tout à l’heure, lorsque vous serez seule vous pourrez vous déshabiller et introduire cette sonde dans le premier tiers de votre page, ensuite la présentation sur l’ordinateur commencera. Pendant ce temps la sonde enregistrera les changements de couleur à l’intérieur du vagin. Les pulsations vaginales qui nous seront transmises nous permettront de calculer votre excitation génitale subjective. Dites-moi quand vous serez prête ».

L’expérience de déterminer l’influence de l’environnement sur le désir et l’excitation des femmes. Cette volontaire doit évaluer des images à connotation sexuelle associées à des scènes du quotidien en indiquant son degré subjectif d’excitation ressentie.
« On démarre une nouvelle série. Là, ce sont des images de conditions de contrôle (images de bois de fleurs, des photos de la nature) qui apparaissent toutes les secondes. On montre 10 de ces pré-images. Ensuite, comme vous le voyez, on passe aux stimuli sexuels. ¨Pendant ce temps, la jeune femme a pour tâche d’évaluer l’excitation sexuelle ressentie sur cette échelle-là. Elle vient de le faire » nous dit Jorgé.
L’apparition des images de comparaison est donc aléatoire.
« Là, c’est une série d’images représentant des bras avec une peau saine suivie du stimuli sexuel. Les images de comparaison sont des bras avec des maladies de peau qui ne sont pas très ragoûtantes à regarder. Nous voulons ainsi déterminer l’influence cérébrale des zones inhibitrices sexuellement sur la réaction sexuelle » dit Jorgé.

Après des images repoussantes, la réaction sexuelle de la jeune femme vis-à-vis de l’image érotique est effectivement mauvaise. Si en revanche le contexte est perçu comme agréable, la réaction sexuelle est nettement meilleure.

L’expérience est suivie par Aglaja STIRN, sexothérapeute à Keele. Elle est convaincue que le désir ressenti par les femmes dépend fortement du contexte et qu’il est nettement plus fragile que son pendant masculin mais une fois libéré, il se révèle être une grande puissance
« Tout change lorsque les femmes s’autorisent à vivre leur sexualité de façon active et ne se contentent pas d’être un objet de désir pour leurs partenaires masculins et qu’elles disent « Je veux vivre mon désir, je veux vivre selon mes fantasmes ». Les femmes ont moins besoin de pornographie dans la mesure où leur monde imaginaire est riche. Lorsque c’est le cas, je crois que les femmes peuvent vivre pleinement leur sexualité » nous dit Aglaja STIRN.
« La femme n’est pas du tout passive dans un couple et je dirais qu’elle fait souvent plus d’efforts que le partenaire masculin et souvent c’est le manque de motivation du partenaire masculin qui est en grande partie à cause du trouble de la femme » affirme Éric HUYGHE, chercheur en sexologie

Les données médicales ont de quoi surprendre : quatre femmes sur dix souffriraient d’un trouble du désir FSD FSAD HSDD ; autant d’acronymes pour désigner une dysfonction sexuelle féminine. Qui sont donc ces femmes a priori concernées ?
Certains hommes seraient peut-être soulagés d’apprendre que derrière le désintérêt érotique de leurs partenaires se cache une pathologie avérée et que leurs compétences d’amant ne sont donc pas en cause.

On sait aujourd’hui que 95 % des femmes sont en mesure de parvenir seules à un orgasme, autrement dit avec la masturbation, il n’y a pas de troubles du désir ; tout fonctionne très bien. Pourquoi n’ont-elles aucun problème à atteindre un orgasme seules alors qu’avec un partenaire masculin, c’est plus difficile ? » nous dit Corinna RUCKERT, spécialiste en sciences de la culture.

« Il y a une quinzaine d’années, l’industrie pharmaceutique a financé une vaste campagne pour que l’absence de désir féminin soit reconnue comme maladie. Elle a pour ainsi dire acheté un sociologue américain de renom qui a proclamé un peu partout et écrit dans des revues spécialisées que 41 % des femmes aux États-Unis souffraient d’une FDS, c’est-à-dire une dysfonction sexuelle féminine. La médecine a tout intérêt à estampiller la femme comme un être sans désir voire frigide si elle veut ensuite lui vendre le remède miracle » affirme Werner BARTENS, journaliste médical
Le remède soi-disant miracle vient des Pays-Bas. Un biochimiste néerlandais est convaincu d’avoir trouvé la recette pour doper le désir féminin. Depuis huit ans Adriaan TUITEN travaille sur des pilules censées soigner ses prétendues dysfonctions sexuelles. Il associe la testostérone à un second principe actif qui agit directement sur le cerveau de la femme.

« On augmente d’une part la motivation sexuelle, c’est-à-dire la réceptivité du cerveau aux stimuli sexuels et d’autre part, en stimulant la motivation sexuelle, on augmente également la réponse physiologique au niveau des organes génitaux. Il y a donc une sorte de chaîne de réactions positives entre les organes génitaux, le cerveau, l’environnement et le contexte. »nous explique Adriaan TUITEN, biochimiste.
Le biochimiste a divisé les femmes censées souffrir d’un trouble du désir en deux groupes.

Le premier regroupe les femmes dont le cerveau ne traduit pas les stimuli érotiques en excitation sexuelle. Pour elles, le chercheur a mis au point une pilule baptisée l’ibrido.
Le second groupe est composé des femmes qui réagissent à ses stimuli mais dont le cerveau stoppe brusquement l’excitation à un moment donné, par exemple parce qu’elles ont vécu des expériences sexuelles négatives. Pour ces femmes, le biochimiste néerlandais a mis au point l’ibridos.

Il faudrait compter entre trois et six heures avant que le médicament fasse effet. On laisse fondre la pilule dans la bouche avant de l’avaler.
« Au bout de 2:30, la pilule se dissout dans l’estomac et libère dans l’organisme le second principe actif » nous précise le biochimiste Adriaan TUITEN.

La pilule agirait directement sur le cerveau enlevant les blocages et boostant par conséquent l’excitation sexuelle. Son efficacité n’a pas pu être jusqu’à présent démontré même si le biochimiste l’aurait testé sur une centaine de femmes à bord d’un laboratoire ambulant. A l’en croire, les résultats seraient largement concluants si l’on fait abstraction de quelques effets secondaires.

« Un petit pourcentage de femmes présente des effets secondaires pour l’ibrido, ce sont de légers maux de tête et pour l’ibridos chez moins de 10 % des femmes de notre étude, ce sont de légers vertiges. » nous précise le biochimiste Adriaan TUITEN
Les deux médicaments passent actuellement les derniers tests cliniques. Si les autorités du médicament en donnent leur feu vert, des pilules pourraient être commercialisées dans le monde entier fin 2016 début 2017. Ce Viagra pour femmes laisse pourtant de nombreux spécialistes dubitatifs.

« Ce qui est à l’œuvre à chaque fois, comme on le constate dans de nombreux domaines de la recherche médicale, c’est la réduction de l’être humain à sa seule dimension biologique, pour vous donner une image, prenez dix diabétiques. Qu’ont-ils en commun : rien, si ce n’est une glycémie anormale. Pourtant, on parle toujours des diabétiques comme d’un groupe homogène même si untel envisage de courir le marathon, alors que tel autre serait bien content s’il arrivait à gérer son quotidien sans faire d’hypoglycémie. C’est la même chose en plus complexe encore avec nos envies, nos attentes sexuelles. On ne peut pas dire que ce médicament va augmenter l’irrigation sanguine et stimuler les voies nerveuses. Prenez le ça va marcher. » déclare Werner BARTENS, journaliste médical

« Si l’on tient compte que la sexualité féminine est déterminée par des facteurs contextuels, le Viagra féminin ne peut pas être d’un grand recours. Il faudra toujours à une femme les chandelles, les mots doux, le dîner romantique et des draps en soie, bref le contexte et cela, seul un partenaire peut le donner » nous explique Helen FICHER, anthropologue.

« Qui attend ce médicament ? Pas les jeunes filles qui en sont à leur cinquième petit copain mais les femmes mariées qui veulent de nouveau ressentir du désir pour leur mari, avec qui elle souhaite rester. Ce médicament est présenté comme étant révolutionnaire, alors qu’en réalité, il est tout ce qu’il y a de plus conservateur » nous précise Daniel BERGNER, auteur de « Que veulent les femmes ? »
Le manque de désir n’est pas une maladie en soi, face à une libido en berne. Il est sans doute plus efficace de suivre une thérapie que d’avaler une pilule !

Michael et Dominica sont mariés. Au fil du temps, leur désir s’est envolé. Désireux de garder l’anonymat, ils témoignent à visages floutés. Ils sont ensemble depuis six ans et se sentent trop jeunes pour vivre une relation sans sexualité et viennent chercher de l’aide auprès de Christoph Joseph Ahlers, sexologue psychologue clinicien à Berlin. Celui-ci reçoit dans son cabinet des patients souhaitant renouer avec une sexualité épanouie. Au cours de la consultation, le sexothérapeute essaie de trouver l’origine du manque de désir.

Christoph Joseph Ahlers : « Faites-vous face à la maison à des problèmes récurrents d’interrogation ? Avez-vous l’impression de toujours retomber dans les mêmes schémas de disputes ? »
Michael : « Quand elle rentre à la maison, il y a toujours des milliers de choses, des milliers d’anecdotes qu’elle veut me raconter, mais j’ai mes limites. Je ne peux en écouter qu’une certaine quantité. Du coup, elle se fâche parce que je ne peux pas l’écouter jusqu’à la fin »
Christoph Joseph Ahlers : « Et vous, quelle est votre réaction ? Vous en avez gros sur le cœur, la coupe est pleine, vous voulez vider votre sac parce que ça vous pèse ? Et lorsque vous essayez de le faire, vous vous rendez compte que votre mari ne vous écoute pas ? Que se passe-t-il en vous ? » dit Christophe en s’adressant à Dominica.
Dominica : « J’ai le sentiment d’être rejeté. Il ne veut pas m’écouter même si maintenant je sais que cela a plus à voir avec le fait de ne pas pouvoir plutôt que de ne pas vouloir écouter ».

Michael et Dominica se sont mariés jeunes. Pour tous les deux, c’était le grand amour, ils espèrent que la thérapie les aidera à retrouver le désir perdu.
Dominica : « « La sexualité a toujours beaucoup compté pour nous, mais elle a quand même disparu avec le temps ».
Michael : « C’est lié au fait que nous nous disputions souvent et que nous étions souvent occupés. Nous nous sommes éloignés l’un de l’autre ».
Dominica : « A un moment donné, il y a eu comme un mur invisible entre nous deux qui ne nous permettaient plus de nous confier l’un à l’autre et d’être dans un rapport d’intimité. Avec le temps, c’est devenu de plus en plus difficile d’aller vers l’autre, d’entrer dans son intimité. Le seul conseil que j’ai reçu de mon entourage, c’est de me trouver un amant. On me disait qu’on ne peut pas assumer tous ses besoins avec une seule personne ».

Mais pour Dominica, aller voir ailleurs est tout aussi impensable que de divorcer. Elle veut sauver son mariage coûte que coûte.
Christoph Joseph Ahlers : « Beaucoup de couples se disent : on se connaît depuis trop longtemps, l’attrait de l’exotique, de la nouveauté, de l’inconnu a disparu. Tout ça, ce sont des bêtises, le désir ne s’use pas. Le problème n’est pas de se connaître trop bien, ni d’être trop proches. Mais le problème est que nous n’apprenons pas à gérer une relation. Gérer une relation, cela signifie communiquer. Or personne ne nous apprend cela ; personne ne nous y prépare. C’est la raison pour laquelle nous nous sentons démunis ».
Dominique : « C’est surtout quand nous convenons d’un mouvement en semaine et que je suis plongé dans mon travail jusqu’au cou, que c’est difficile. J’ai du mal à mettre mon travail de côté, à décrocher, à me détendre un peu et à me concentrer entièrement sur mon mari. J’ai la tête ailleurs ».
Christoph Joseph Ahlers : « C’était un exercice qui a fait ses preuves pour rapprocher des couples qui se sont éloignés. Il consiste à convenir d’un moment à deux : l’objectif étant de retrouver une proximité physique. On est venu peau à peau l’un contre l’autre, sans parler sans discuter. Il s’agit dans un premier temps non pas de susciter une stimulation, une excitation ou un orgasme mais simplement de reprendre contact avec l’autre »

« On sait qu’un contact physique en appelle un autre. Si par exemple, je me touche, je me caresse sans que cela soit forcément érotique, de façon générale cela va déclencher dans mon corps l’envie d’un autre contact. C’est une sorte de cercle, non pas vicieux ce n’est pas le mot juste mais vertueux si l’on peut dire. Ce qu’il y a de beau avec le toucher, c’est que l’on en veut toujours plus ! » Précise Werner BARTENS, auteur de « Le langage du toucher ».

« La chose intéressante est que je peux difficilement faire surgir le désir comme ça, sur commande. En revanche, je peux choisir les situations où le désir aura de plus fortes chances de monter. Je peux choisir de faire telles choses, je peux en essayer telle autre, voir ce qui se passe. Ça c’est en mon pouvoir mais cela n’est pas pour autant que le désir surgira, car il ne se décrète pas » nous dit Ullrich Clément.

« Le désir est quelque chose qui est plus difficile à analyser parce que c’est quelque chose d’assez intérieur, c’est intime contrairement à l’excitation dont on voit les résultats » affirme Éric HUYGHE, chercheur en sexologie.

La volonté de réveiller un désir assoupi n’est pas nouvelle. Nos lointains ancêtres connaissaient déjà le pouvoir des jouets sexuels. On raconte que pour stimuler son clitoris, la reine Cléopâtre utilisait un cornet en papyrus rempli d’abeilles bourdonnantes ; sans doute le premier sextoy de l’histoire.

Il n’y a pas si longtemps, on utilisait des godemichets pour traiter les maladies psychiques soient-disant féminines comme la nymphomanie et l’hystérie. C’est en 1869 que le médecin américain George TAYLOR invente le vibromasseur moderne. L’orgasme était censé calmer la femme tout en traitant névralgies et migraines. La libido féminine a de tout temps était sous contrôle.

« Le désir féminin a toujours été plus fragile que le désir masculin. Chez l’homme, une fois que le désir est en marche, tout se concentre sur lui. Tandis que chez la femme, il peut facilement rester en plan à cause d’un élément perturbateur minime » nous dit Corinna RUCKERT, spécialiste en sciences de la culture.

« De manière générale, la femme a besoin d’avoir une bonne estime de soi. Son image corporelle est importante et elle doit également sentir le désir dans le regard de son partenaire. C’est pour elle très important car sinon elle ne va pas pouvoir développer son désir » affirme Éric HUYGHE, chercheur en sexologie.

Le désir féminin reste difficile à cerner pour bien des hommes. Que veut dire une femme quand elle prétend qu’elle a une migraine ? Ou qu’elle n’a pas envie ? Pourquoi la passion des premiers mois finit-elle par disparaître ? L’ennui au lit n’est pas qu’une affaire de femmes mais ce sont elles qui le plus souvent pointent le problème du doigt.

Helen FISHER, auteure de « Pourquoi nous aimons ? » affirme : « Ce sont les femmes qui se plaignent ; ce sont les gardiennes de la relation, elles qui assurent son suivi. On entend donc davantage de femmes qui s’ennuient mais à mon avis il y aussi beaucoup d’hommes dans ce cas »

« Au bout de plusieurs années, la plupart des couples ne fonctionnent plus aussi bien. Au début, la relation sexuelle bénéficie de l’attrait de l’inconnu, du secret, du risque, peut-être est-ce trop dire mais enfin disons la magie de la nouveauté. On éprouve une attirance dont on ignore l’origine et on ne veut d’ailleurs pas la connaître. La raison est mise de côté. C’est pulsionnel, archaïque, originel or c’est quelque chose que l’on ne peut pas conserver au fil du temps avec quelqu’un avec qui on plie le linge ou avec qui on joue aux mots croisés » déclare Werner BARTENS, journaliste médical.

Nous vivons une époque de mutation ; les vieux modèles ont fait leur temps. Nourrir la famille n’est plus l’apanage des hommes, les femmes pourraient laisser libre cours à leur désir mais leur ressenti sexuel est toujours assujetti à des règles sociales ainsi qu’à un carcan moral.

Corinna RUCKERT ajoute : « Si notre culture s’est toujours efforcée de réprimer la sexualité féminine, c’est parce que celle-ci est particulièrement débordante et exubérante et peut-être aussi dévorante. Nous sommes ainsi faites par la nature mais notre culture ne nous permet pas de vivre pleinement cet état biologique dont nous avons été dotées »

« Ce que nous pensons, ce que nous nous autorisons et nous nous efforçons de penser concernant la sexualité aura un effet sur le cerveau sexuel, c’est-à-dire lier nos pulsions, nos émotions, nos réflexions en les rendant plus ou moins forts » nous dit Daniel BERGNER.

Au fil des siècles, les normes socioculturelles ont imposé une image de la femme décente et chaste. Ce mythe du sexe vertueux vient appuyer l’idéal romantique de l’amour monogame, un idéal profondément ancré dans notre société.

« La femme peut avoir une sexualité active au sein de son couple ou d’une relation mais pas en tant que femme publique. Il suffit de repenser aux cris d’effroi qu’a suscité le décolleté d’Angela Merkel si outre-Rhin, on a dû se rendre à l’évidence ! Ça alors on est gouverné par une femme ! On s’est aperçu qu’elle était dotée d’une poitrine généreuse. Cela a provoqué un énorme scandale chez nous. Alors que prenait en comparaison les femmes du gouvernement de Nicolas Sarkozi. Là, il y avait de quoi s’exclamer ! Elles étaient toutes plus sexy les unes que les autres, en talons aiguilles et vêtements moulants ! Je ne pense pas qu’ici en Allemagne on n’ait jamais eu ce genre de femme publique, c’est-à-dire une femme politique qui affirme sa féminité de manière aussi offensive » nous précise Corinna RUCKERT.

Le désir féminin a été jusqu’à présent majoritairement défini à partir du point de vue masculin. De nouvelles voix se font cependant entendre chez les chercheurs pour qui le désir des femmes serait une force sous-estimée et réprimée. En sciences, cette approche est communément admise. Ne faudrait-il pas aussi auprès du grand public repenser le désir féminin ?

Dans son ouvrage « Que veulent les femmes ? », Daniel BERGNER, auteur new-yorkais a fait débat. Il expose les derniers travaux de recherche des sexologues en ce qui concerne le désir féminin ; la thèse centrale de son livre étant : les femmes ne sont nullement les gardiennes de la fidélité.

« Je pense à une étude en particulier qui suit la trajectoire du désir de près d’un millier de couples de longue date. On voit que le désir masculin décline comme on s’y attend, mais graduellement. Le désir féminin en revanche chute significativement après quelques années. Ces recherches chamboulent nos idées reçues puisqu’on s’aperçoit que les femmes ne sont pas des créatures monogames programmées génétiquement pour être fidèles » nous précise Daniel BERGNER.

Pour son livre Daniel BERGNER a interviewé des scientifiques, des chercheurs et des centaines de femmes. Ce sont elles qui, dans un couple s’ennuient souvent le plus vite.

« Je me souviens d’une femme en particulier. Elle avait tout juste 30 ans et était engagée dans une relation depuis deux ans avec un homme qu’elle aimait. Beau, sensible, intelligent mais au bout de quelques mois, elle s’est mise à ne plus le désirer et au bout de deux ans, elle ne ressentait presque plus rien. Elle appréhendait ses avances sexuelles et redoutait le jour où il lui demanderait de l’épouser. Elle ne savait pas quoi faire » nous précise Daniel BERGNER.

Dans une relation à long terme, le désir décline nettement plus rapidement chez les femmes que chez leurs partenaires masculins ; un secret bien gardé par les femmes et une vérité dérangeante qu’on préfère passer sous silence.

« Nous entretenons une sorte de schizophrénie vis-à-vis du désir, en particulier celui des femmes. On n’en fait partout étalage mais en même temps, on ne veut pas y regarder de trop près » nous précise Daniel BERGNER.

Dans son ouvrage, Daniel BERGNER expose aussi des travaux de primatologie car les singes peuvent nous éclairer sur le désir humain. Kim WALLEN est spécialiste en neuroendocrinologie à l’université Emory d’Atlanta aux États-Unis. Il a étudié la parade nuptiale chez les macaques rhésus. Ses découvertes ont de quoi étonner, chez ces singes car ce sont les femelles qui mènent la danse.

« En observant les macaques Rhésus, nous avons découvert que les femelles contrôlent les interactions sexuelles et initient l’accouplement. Les mâles se contentent de répondre à leurs invitations. La plupart du temps, les femelles ne prêtent pas attention aux mâles, mais lorsque l’une d’elles intéresse soudain à un mâle, elle s’approche de lui et s’assoit à ses côtés. L’interaction est très intense comme si le mâle devenait tout à coup le centre de son attention. » nous éclaire Kim WALLEN.

Des femelles qui courtisent les mâles et prennent les choses en main, voilà de quoi écorner le mythe du sexe faible et passif. L’intérêt sexuel des femelles persiste environ trois années avant de décliner de façon significative. Kim WALLEN est persuadé que la libido des femmes suit un modèle identique.

« Le fait est qu’un nouveau partenaire sexuel est beaucoup plus excitant qu’un partenaire de longue date. Chez les humains, c’est d’ailleurs une question récurrente. Comment entretenir la flamme du désir ? Comment préserver l’intensité des débuts ? Je pense que l’installation d’une routine avec le partenaire sexuel vaut tout autant pour les macaques rhésus que pour les humains » nous explique Kim WALLEN.

Pourquoi le désir masculin reste-t-il relativement stable alors que celui de la femme perd en intensité ? L’explication est à chercher du côté de l’anthropologie. Nous avons en effet hérité de la stratégie de reproduction léguée par nos lointains ancêtres. Les hommes cherchent à diffuser au maximum leur ADN tandis que les femmes visent la diversité génétique.

Helen FISHER, anthropologue dit quant à elle « Je pense que nous avons été conçus il y a des millions d’années pour la monogamie sérielle. C’est-à-dire une succession de relations à long terme. Aujourd’hui, l’espérance de vie a rallongé, les femmes sont indépendantes financièrement et peuvent se permettre de retenter leur chance quand leur mariage ne les satisfait pas. Nous renouerons donc avec un modèle probablement vieux de plusieurs millions d’années, c’est-à-dire une série de relations longues »

« D’un côté, nous recherchons l’attachement, la fiabilité, la sécurité, un ancrage émotionnel, un lien d’appartenance, c’est un désir fort et profond. D’un autre côté, il y a un souhait de vitalité comme je l’appelle, c’est-à-dire sentir sa corporalité, sentir qu’on est éveillé, qu’on est vivant. Hors, tout ça n’est pas toujours compatible. Tout l’art consiste donc à concilier ces deux souhaits » » nous dit Ulrich CLEMENT.

Le désir est un peu comme un tour en grand huit, un cocktail chimique à base de dopamine, de sérotonine et d’adrénaline qui distille une bonne humeur enivrante, fait oublier douleurs, fatigues et soucis et rend heureux sans raison. Mais nous sommes aussi gouvernés par une autre force, le désir d’attachement, de sécurité, de ne faire qu’un avec un seul et unique partenaire. Avec les années, la fascination du début cède la place à une intimité familière. Le sexe se teinte d’ennui, une situation plus souvent évoquée par les hommes pour justifier leurs incartades.

« Je suis un homme et je préfère me dire que ma partenaire de longue date a une sexualité entièrement centrée sur ma personne. C’est réconfortant pour moi de penser comme on le suppose traditionnellement que sa sexualité est très dépendante de ses sentiments car cela assujettit d’autant son désir à notre relation. Moi je peux être attiré par d’autres femmes dans la rue mais ma partenaire pas question ! » nous précise Daniel BERGNER.

« C’est effectivement une belle image rassurante. La femme est à la maison, s’occupe de son petit mari, ne va pas voir ailleurs tandis que l’homme s’amuse à droite et à gauche mais revient toujours au foyer où il sait ce qu’il y a et la femme accepte. C’est évidemment une conception des rôles qui est traditionnelle et très conservatrice et il y a beaucoup d’hommes dans le monde qui ont intérêt à ce que ce schéma perdure » nous dit Werner BARTENS, journaliste médical 2903.

« L’infidélité est très répandue partout dans le monde. Une étude américaine intéressante a demandé à des conjoints infidèles s’ils étaient heureux dans leur mariage. 54 % des hommes et 36 % des femmes ont répondu oui. Mariés depuis de nombreuses années, ils étaient heureux, souhaitaient rester mariés mais allaient quand même voir ailleurs. C’est comme si les trois systèmes cérébraux que sont : l’attachement, l’amour romantique et la libido n’était pas toujours bien connectée » avance Helen FICHER.

Dietrich KLUSMANN, spécialiste de psychologie évolutionniste, a interrogé plus de 2000 étudiants. Bilan : plus la relation est de longue durée plus l’intérêt sexuel de l’homme et celui de la femme divergent. Au début de la relation, hommes et femmes veulent des relations sexuelles fréquentes. Trois ans plus tard, cela ne concerne plus qu’un quart des femmes sondées tandis que leur désir d’aller voir ailleurs augmente.

« Cette dynamique ne pourrait pas exister s’il n’y avait pas un avantage pour les femmes engagées, stables, à avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes. Cet avantage comme toujours dans l’évolution est liée à la reproduction, en l’occurrence une augmentation de la diversité génétique de la descendance. Pour cette raison, les femmes sont tout autant disposées à la fidélité qu’à l’infidélité. Les deux vont de pair » nous dit Dietrich KLUSMANN, spécialiste de psychologie évolutionniste.

« Mon hypothèse est que la diversité génétique dont nous avons besoin pour perpétuer l’espèce n’est pas le fruit de l’infidélité des hommes mais celui de l’infidélité des femmes » nous précise Corinna RUCKERT.

« Hommes et femmes ont trouvé un accord tacite et des hommes veulent penser que les femmes ne sont pas infidèles et les femmes veulent que les hommes pensent qu’elles ne le sont pas. Hommes et femmes ont décidé lequel des deux sexes était volage et lequel des deux ne l’était pas. Mais prenez les sociétés de chasseurs-cueilleurs dans lesquels l’humanité a vécu 99 % du temps. A chaque fois qu’un homme allait se fourrer dans un buisson, c’était avec une femme. Quel mal y a-t-il à cela ? Je ne sais pas pourquoi les gens continuent de penser que tous les hommes sont des coureurs de jupons et toutes les femmes des madones ! » Déclare Helen FICHER.

Le cycle de la femme aussi a une influence sur ses préférences. Si d’ordinaire, elle préfère son partenaire aimant, les jours fertiles, elle est attirée par des hommes présentant une virilité marquée, promesse d’un patrimoine génétique de qualité.

« On sait bien qu’au moment de l’ovulation, les femmes ont un goût complètement différent en ce qui concerne les hommes et apprécient alors le genre macho. Les femmes intelligentes cultivées qui normalement enverraient balader ce genre de type et n’en voudraient pour rien au monde, les considèrent au moment de l’ovulation comme des partenaires sexuels de choix avec lesquels elle peut faire du shopping génétique » nous précise Corinna RUCKERT.

« Avant l’ovulation, c’est-à-dire la phase de fécondité, elles ont une préférence pour les hommes bourrés de testostérone avec le menton prononcé et la mâchoire carrée. Le reste du temps, elles préfèrent les hommes plus doux du type bon samaritains » nous dit Werner BARTENS.

Dominica et Michael se rendent chez leur thérapeute, Christophe.
Christophe : « Bonjour, entrez je vous en prie ».
Ils ont décidé de se battre pour sauver leur couple.
Christophe : « Alors, quelles sont les nouvelles depuis la dernière fois ? Comment ça se passe dans votre couple, à la maison ?
Michael : « On a fait nos devoirs, on a convenu de moments à nous. À 21:00 au plus tard, on s’assoit ou on s’allonge et on essaie de communiquer, de construire une proximité, de communiquer tous les deux de façon non verbale. Bref, on a fait l’exercice que vous nous aviez donné. »
Christophe : « Et pour vous, est-ce que ça a été difficile de vous y mettre ? Étiez-vous accaparés par des pensées parasites comme les soucis du quotidien ? »
Dominica : « Oui et il y a aussi la peur de m’ouvrir, je m’en rends compte à chaque fois »
Michael : « La tentation est grande de parler du quotidien. S’abstenir de le faire c’est ce qui est le plus difficile pour moi »

Pour retrouver du désir pour son conjoint, le couple doit apprendre à repenser la sexualité au sein d’une relation de plusieurs années.

Christophe : « La fonction fondamentale de la sexualité chez nous les humains n’est pas de provoquer une excitation ou de fabriquer des bébés mais d’expérimenter la communication sur le plan corporel. C’est avoir le sentiment d’être aimé, d’être apprécié, d’être quelqu’un de bien, d’être désiré. C’est la fonction principale, c’est pour cela que nous humains nous nous mettons en couple, et c’est la raison pour laquelle, même au sein d’un mariage en tout cas quand tout se passe bien, nous avons toujours envie de faire l’amour avec l’autre.

Dominica : « Avant, nous nous résumions à une union physique puis nous nous sommes aperçus que non, il s’agissait aussi de se montrer à l’autre avec toutes ses peurs et toute sa vulnérabilité, de se mettre à nu au sens figuré. Pendant longtemps, cela a été très dur pour nous jusqu’au moment où il y a eu le déclic et que nous y sommes parvenues. À partir de là, ça nous a encouragé parce que cela nous a apporté une autre qualité de vie, une nouvelle intimité que nous ne connaissions pas jusque-là »

Christophe : « Et diriez-vous que cela a eu des effets sur votre sexualité ? A-t-elle changé avec ces moments que vous vous accordez régulièrement ? »

Michael : « Oui c’est sûr. On peut rebondir sur cette proximité que l’on crée à ce moment-là pour ensuite nous rapprocher encore un peu plus. Mais ce moment, cette demi-heure que l’on se réserve pour nous deux, c’est une chose. Ce qui se passe après dépend de la journée. Parfois, on utilise ce moment pour initier un rapport sexuel et c’est bien. J’apprécie cela tout autant que les conversations »

« C’était un imaginaire récent de la sexualité, les murs qui tremblent, le lit qui s’écroule, ce genre de choses, mais ce n’est qu’une des formes possibles d’une sexualité intense. Il peut y avoir aussi une sexualité intense très paisible sauf qu’elle n’est souvent pas prise en compte. Quand deux êtres se retrouvent dans une très grande intimité, ça ne fait pas forcément de bruit, ça peut être très calme » nous dit Ulrich CLEMENT.

« C’est cela d’ailleurs je pense l’essence de la sexualité, de la passion, cette intimité intense qui se forme entre deux êtres, indépendamment de ce qu’ils font. Ce degré de proximité pendant et avant » nous précise Werner BARTENS.

Jusque dans les années 90, le désir de la femme ne faisait l’objet que de rares études mais sa libido intéresse désormais de plus en plus l’industrie pharmaceutique. Les médicaments censés booster l’excitation ouvre en effet de nouveaux marchés. Ils font miroiter des perspectives de profit juteux. Mais la matrice du désir féminin ne se laisse pas décodée facilement car tous les stimuli ne se traduisent pas dans le cerveau de la femme en excitation sexuelle.

Lors d’une soirée entre étudiantes dans une collocation à Hambourg, huit jeunes femmes ont fait venir un strip-teaseur. Un inconnu va se déshabiller progressivement sous leurs yeux. Comment les jeunes femmes vont-elles réagir ? Seront-elles émoustillées par ce strip-tease ? Dans ce contexte inhabituel pour elles, ressentiront-ont elles une excitation physique ? Le spectacle suit une chorégraphie précise. C’est ainsi que Sacha alias James Bond se dénude devant un nouveau public presque chaque soir.

Marianne PIEPPER professeur de sociologie analyse le numéro du strip-teaseur et les réactions des étudiantes. Elle décrypte pour nous le comportement des jeunes femmes qui se sont portées volontaires pour l’expérience :
« Ce qui revient souvent, c’est la main devant la bouche qui dissimule un rire. Ce geste donne à penser que les jeunes femmes ne prennent pas la situation très au sérieux mais aussi que cette situation leur paraît un peu inquiétante, également étrangère. L’explication est sans doute ici qu’on remet en question les attentes normatives de la société. Généralement, ce sont les femmes qui attendent passivement, ce sont elles aussi qui proposent ce genre de prestations. Et ici soudain, c’est un homme ! Je pense que cette transgression des attentes normatives produit de l’insécurité » explique Marianne PIEPPER professeur de sociologie.

James Bond en mission érotique, un homme objet sexuel de femmes. Le rire et l’alcool permettent d’évacuer la tension.

« Une forme de contact visuel s’établit, un contact visuel et même tactile mais passé un certain point, j’ai l’impression que ces jeunes femmes ne veulent plus s’impliquer. A ce moment-là, on a l’impression que pour elles, la situation n’a plus rien d’érotique, d’amusant, mais ici, au contraire une réaction de défense du fait de la trop grande proximité » explique Marianne PIEPPER, professeur de sociologie

ça y est, les étudiantes vont assister au grand final !

« Ce que je trouve de très intéressant dans cette mise en scène, c’est qu’à un moment donné, il embrasse sur la bouche une des participantes, presque contre sa volonté. Soudain, la répartition des rôles traditionnels se rétablit, l’homme pourront avec le statut de victime enfin je veux dire d’objets et renoue ainsi avec le modèle dominant. Les attentes normatives de la société sont par conséquent de nouveaux comblées » explique Marianne PIEPPER , professeur de sociologie.

Au bout d’une petite demi-heure, le spectacle est bouclé. Quel effet a-t-il produit sur les jeunes femmes ?

« La sexualité où l’érotisme devrait toujours rester subtil et non pas être mis en scène, parce que dans ce cas, je trouve ça artificiel et cela n’a plus rien d’émouvant en tout cas pour moi. C’est pareil pour vous j’imagine ? »
« Je n’arrivais pas trop à me concentrer sur son corps parce que j’étais un peu mal à l’aise du fait que tout le monde me regardait. Pendant tout le temps où il se déshabillait, il essayait de maintenir le contact visuel ce qui était assez désagréable. Du coup, je n’arrivais pas à me dire : ouhhaa ! Super un mec à poil ! Enfin ce genre de choses … ce n’était pas du tout ça ! »
« On devinait tout sous son slip qui était très moulant, ça suffisait amplement »
« Moi, j’ai trouvé ça très amusant mais pas du tout érotique, sexy ou attirant, pas du tout ! Oui, c’est ça excitant »

Changement de décor : un bar de table dance où des femmes s’effeuillent pour des hommes ; une image dont nous avons l’habitude. Ces professionnelles enchaînent les mouvements de façon mécanique. Le désir et l’excitation semblent pourtant jouer ici un rôle important. Les hommes sont visiblement fascinés ; le contact physique ne suscite pas chez eux de réaction de peur.

Comment expliquer qu’en public, hommes et femmes réagissent différemment face à un strip-tease ?
« Je pense que cela s’explique une fois encore par la façon dont la société codifie les rapports entre les sexes. Les hommes sont plus habitués à ce que les femmes soient ou puissent être des objets sexuels, puisse être consommées. Lorsque la situation s’inverse comme dans l’exemple précédent, cela provoque une confusion ou disons une certaine forme d’insécurité comportementale. Les jeunes femmes ne savent pas comment se comporter car la situation ne correspond pas au modèle classique, aux attentes normatives de la société puisque pour une fois, c’était l’homme qui était un objet sexuel » explique Marianne PIEPPER, professeur de sociologie.

« Nous ne sommes pas encore prêts de nous débarrasser de nos carcans culturels même si aujourd’hui, nous réussissons dans notre métier, si nous ne sommes plus dépendantes des hommes, si nous sommes cultivées etc, notre émancipation ne remonte qu’à une ou deux générations or on ne peut pas effacer une culture de plusieurs milliers d’années en l’espace de si peu de temps » nous précise Corinna RUCKERT, spécialiste en s de la culture.

Genève, pour beaucoup désir et amour sont indissociables. D’autres en revanche arrivent à dissocier sexe et sentiments. Au centre hospitalier universitaire de Genève, on mesure par I.R.M. l’activité cérébrale des volontaires alors qu’on leur montre des images érotiques. Cette expérience est conduite par un sexologue Francesco BIANCHI-DEMICHELI. À partir des processus biochimiques du cerveau, il est parvenu à établir une sorte de carte du désir et de l’excitation. Il a ainsi pu prouver que la genèse du désir dépend d’une multitude de facteurs.

« Souvent, on pense que le désir sexuel, la libido est quelque chose de très animal. C’est un peu la pensée populaire, c’est un peu reptilien si vous voulez. Alors que non est une des fonctions les plus complexes du cerveau. C’est le chef d’orchestre de tous les phénomènes liés à l’excitation et au désir. C’est là, l’organe sexuel par excellence » nous précise Francesco BIANCHI-DEMICHELI.

Le désir sexuel n’est donc pas le fruit d’une pulsion animale mais il est piloté par des structures cérébrales extrêmement complexes.

« Dans le désir sexuel sont impliquées des structures qui sont impliquées dans les émotions, dans la mémoire, dans la motivation, dans la récompense, dans l’anticipation de la récompense, dans des fonctions cognitives complexes, parmi les plus complexes que le cerveau possède. Plusieurs des structures sont impliquées dans des fonctions fondamentales dans l’image de soi qui joue un rôle très important dans le désir chez la femme » précise Francesco BIANCHI-DEMICHELI.

Et comme le cerveau pilote l’excitation, le ressenti du désir chez les femmes ne dépend pas seulement des stimuli sexuels extérieurs mais d’un ensemble complexe de facteurs. Francesco BIANCHI-DEMICHELI a découvert que des stimuli extérieurs ne sont d’ailleurs pas nécessaires pour provoquer le désir.

« On peut d’ailleurs stimuler le désir en pensant à ce qui s’est passé avant, à un certain moment mais en pensant à l’autre qui peut être très loin. On peut penser à lui ou à elle là maintenant et le désir peut apparaître. Quand on le désire tout court sans l’aimer aussi. On n’a pas besoin de la présence d’un individu pour le désirer »
Au fil du temps, le désir sexuel dans un couple tend à diminuer rapidement chez les femmes, plus lentement chez les hommes mais la courbe du désir reste-t-elle stable chez ceux qui aiment plusieurs personnes à la fois ?

Yvonne et Thomass forment un couple polyamoureux. Le polyamour ou amour multiple, c’est assumer une relation sexuelle et sentimentale avec plusieurs partenaires simultanément mais cela n’empêche pas Yvonne d’être rongée par la jalousie.
Yvonne : « Je n’ai absolument aucun mal à voir Thomass avec un autre homme, par contre j’ai plus de mal, pas toujours mais quand même à le voir avec une autre femme. Je suis en train de travailler dessus. J’essaye de comprendre pourquoi il en est ainsi, pourquoi ça ne me gêne pas quand c’est un homme et pourquoi j’ai du mal quand c’est une femme. J’essaie de me dire homme ou femme, peu importe. Après tout, Thomass se sent bien ainsi et que ça lui fait du bien alors peu importe que ce soit un homme ou une femme ».

Thomass : « Moi aussi je regarde quand elle couche avec d’autres hommes, qu’elle a des relations sexuelles avec eux et je me réjouis à 100 % du plaisir qu’elle en tire. Son plaisir est mon plaisir ».

Avant de rencontrer Thomass, Yvonne a eu une vie monogame pendant 20 ans et est aujourd’hui mère d’une fille d’âge adulte. Elle apprécie dans sa nouvelle relation la complicité d’une vie à deux sans la contrainte de la fidélité. Thomass juge aussi dépassé l’idéal romantique de l’amour monogame.

Thomass : « Prenez quelqu’un de monogame. Comment est-ce qu’il va gérer le fait qu’il a rencontré quelqu’un d’autre ? Est-ce qu’il va s’autoriser à vivre cette histoire ? Dans ce cas, soit il peut ne rien dire du tout à sa partenaire et faire ça en cachette en vivant une aventure extraconjugale dans le secret, soit il peut voir les choses en face et le dire à sa partenaire qu’il l’aime mais que cet amour peut se partager parce qu’il ne lui enlèvera rien sur le plan des sentiments ».

« Cela soulève des questions : Que signifie tu pour moi ? Qui est le couple ? Autrement dit, suis-je unique ou interchangeable ? Dans le grand amour, je ne suis pas interchangeable, l’autre n’aime que moi et personne d’autre. Dans le polyamour, en revanche, l’autre n’aime pas que moi mais aussi untel et untel. C’est une question de limites » nous confie Ulrich CLEMENT.

« Pour la majorité des gens, essayer de développer à grande échelle ce mode de vie ne peut pas fonctionner parce que nous nourrissons tous en nous des sentiments comme la jalousie, la possession qui ne sont pas compatibles avec cette pratique. Et que se passe-t-il si l’amour vient s’immiscer dans la partie ? Il y a beaucoup d’éléments qui peuvent brouiller les cartes ? Mais tant que l’on arrive à gérer ça avec son partenaire, pourquoi pas ? » nous précise Corinna RUCKERT.

Malgré ses imperfections, la relation monogame est pour la plupart d’entre nous la seule alternative. Environ 240 000 mariages sont célébrés chaque année en France et 200 000 en Allemagne.

La thérapie conjugale a aidé Dominica et Michael à surmonter la crise qu’ils ont traversée.
Dominica : « Au début, je n’étais pas totalement persuadée que cette thérapie pourrait nous aider parce que je ne me voyais pas du tout suivre une thérapie. Michael par contre était convaincu que ça pouvait être un moyen de nous en sortir. On peut dire que c’est son optimisme qui nous a permis de continuer. À partir du moment où nous avons mis les choses à plat dans le cadre de la thérapie et l’extérieur, nous avons commencé à résoudre les problèmes qui s’étaient accumulés au fil du temps. Puis, plus nous avancions et plus le désir notamment le désir d’être ensemble à tous les niveaux grandissait. C’était chouette ! »
Michael : « Ce dont je ne tirais aucun plaisir auparavant ou ce dont je n’avais pas envie, nous le faisons aujourd’hui. Maintenant, je suis plus ouvert, surtout en ce qui concerne les câlins. Je suis beaucoup plus ouvert, j’accepte de le faire »
Dominica : « Assumer que l’autre vous regarde, qu’il ait des gestes de tendresse envers vous et faire la même chose de son côté, à force, ça crée des liens extrêmement forts mais à condition de prendre le temps et de le faire régulièrement. Le chemin est encore long mais nous avons l’impression de ne pas être arrivés là où nous voudrions mais nous sommes en bonne voie ».

Il est donc temps de revoir l’image de la femme qui ne mobiliserait sa sexualité que pour trouver un homme pour la vie et perdrait ensuite sa libido. Les femmes sont tout autant dans le désir que les hommes< ; ce sont leurs modes d’expression qui diffèrent. Elles ne sont pas plus programmées pour la fidélité que pour l’infidélité mais les carcans culturels obligent, elles ne s’autorisent pas toujours à écouter leurs désirs.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=S4pHAlnXAhU

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