Le Mythe de Candaule par Nicolas Freret

Un mythe éclairé

Par Candaule le 7 mars 2020
Dans Histoire et candaulisme

Commençons par préciser que Nicolas Fréret est à la fois un historien mais aussi un linguiste français qui est né le 15 février 1688 à Paris. Fils du procureur de Paris, très tôt, il lit des ouvrages concernant les mythes et la religion grec.

Associé de l’Académie des inscriptions dont il devient secrétaire perpétuel en décembre 1742, la liste de ses mémoires qui traitent d’histoire, de chronologie, de géographie, de mythologie et de religion a influencé nombre d’auteurs.

Il apparaît dans tous ses travaux comme un critique expressif, érudit et original. C’est sa version du Mythe du Roi Candaule, qui date de 1731, que je vous propose de lire à présent.

Précisons que cette version du mythe contrairement à celle d’hérodote, de Platon ou de boccace, est riche d’éclairages différents.

Candaule passionnément amoureux de sa femme, la croyez d’une beauté accomplie. Elle faisait le sujet de presque toutes les conversations avec Gigès sont favoris et dépositaires de ses secrets les plus importants.
- " Gigès, lui dit il un jour, tu ne me parais pas bien persuadé que la reine soit la plus belle de toutes les femmes, faisons donc en sorte, que les habits ne te dérobent rien de ses charmes car le témoignage des yeux est bien moins suspect que celui des oreilles."
- " Quel langage tenait vous la ! S’écria Gigès. Pourquoi voulez-vous que ma maîtresse paraisse à mes yeux dans un état si peu conforme aux règles de la bienséance ? Ne savez-vous pas, que chez le sexe la pudeur tombe avec des habits ? Parmi plusieurs maximes qui nous vient de nos ancêtres toute également sages et utiles pour la conduite de la vie il en est une qui nous avertit de ne occuper que du soin de nos propres affaires ; quant à moi, je suis convaincu que personne ne saurait disputer à la reine le prix de la beauté".

Candaule, bien loin de se laisser ébranler par des remontrances si judicieuses ajoutait :
- " ne crains rien de ma part, répondit-il à Gigès, mon intention n’est point ici de t’éprouver : ne crains rien non plus de la part de ma femme, qui, grâce à un Expedia que j’ai imaginé, ne sera jamais informé de ce qui va se passer. Je te placerai derrière la porte de la chambre où nous couchons, un instant après moi la reine se rendra dans cette même chambre, à l’entrée de laquelle est un siège, sur lequel elle range ses habits, à mesure qu’elle les quitte : pendant cet intervalle tu auras tout le loisir de l’examiner ; sort lorsqu’elle ira se mettre au lit, et prend des mesures pour n’en être point vu. "

Gigès ayant bien jugé que désormais la méfiance serait inutile, se rendit au aux empressements de Candaule, qui le conduisit dans sa chambre, lorsque le temps de se coucher fut venu. La reine ne tarda prendre à le suivre et après s’être déshabillé, elle prit le chemin de son lit ; moment dont Gigès profita pour se retirer. Malgré toutes ses précautions il en fut aperçu.

Ayant appris de la bouche de son mari ce qui venait d’arriver, elle éclata. En vains reproches, bien résolu de tirer une vengeance signalée de l’affront qui lui avait été fait ; car chez les Lydiens, aussi bien que chez les autres barbares, il n’en est point de plus sanglant que celui de paraître nu aux yeux de quelqu’un.

Le lendemain elle envoya chercher Gigès par quelques domestiques affidés et lui auquel elle faisait quelquefois cet honneur, nous ne la croyons instruite de rien, obéit sur-le-champ à ses ordres. À peine est-il entré que la reine Lydie lui dit :
- " Gigès, de deux parties, je te laisse le maître de prendre celui qui te conviendra le mieux ; il faut que ton impudente curiosité te coûte la vie sinon assure-toi par le meurtre de Candaule, la possession et de ma personne, et du royaume de Lydie."

Ce discours fut un coup de foudre pour Gigès enfin revenu de son étonnement, il supplia la reine de ne point le jeter dans un pareil embarra mais ses prières ne furent point écoutées. Réduit à la nécessité de poignarder Candaule, ou de périr lui-même, il est préférable de vivre.

S’adressant ensuite à la reine :
- " puis donc que vous me forcez de tremper mes mains dans le sens de mon maître, apprenez-moi la manière de pouvoir exécuter une entreprise si hardie."
- " Je te cacherais et lui répondit-elle, dans le même endroit où Candaule t’avait placé, et il te sera aisé de le poignarder dans le temps du sommeil."

Cependant Gigès fut gardé à vue le reste de la journée et le soir la reine le conduisit dans la chambre : tout réussit et Candaule fut assassiné.

C’est ainsi que ce fameux événement est raconté par Hérodote, sur la narration duquel plusieurs historiens ont enchéri dans la suite des temps. Abas par exemple prétend que la femme de Candaule s’appelait Abro : Tydé ou Clutia été suivant quelques autres le nom de cette princesse.

Ptolémée Héphestion lui donne le nom de Nyssia ; il ajoute qu’Hérodote fait disparaitre son nom de son histoire, uniquement parce que Plésirrhous d’Halicarnasse pour lequel il avait beaucoup de tendresse était tombé amoureux d’une certaine Nyssia. Ce Plésirrhous aimait éperdument cette courtisane et au désespoir de s’en voir maltraité, il chercha dans une mort prématurée la fin de ses disgrâces. Hérodote ne le pardonna jamais à cette femme et de chagrin il bannit de ses écrits un nom, que la perte de son ami lui rendait odieux.

Il serait superflu de remarquer que ceci a bien l’air de ses contes faits à plaisir par les Grecs, charmés la plupart d’amuser leurs lecteurs aux dépens de la vérité. Telle est encore un récit de Ptolémée, savoir que la femme de Candaule avait deux prunelles et que par le moyen d’une pierre de dragon sa vue était très perçante et qu’elle aperçue Gigès à la faveur d’une pierre de dragon qui rendait sa vue très perçante : je dirais la même chose du fameux salon de Gigès.

Platon en fait un berger du roi de Lydie ; il ajoute que ce berger ayant observé une ouverture formée par un violent tremblement de terre, résolu d’y descendre pour examiner de près ce que cela pouvait être. La première chose qui se présenta à sa vue, fut un cheval d’airain, dans les flancs duquel étaient enfermés un homme mort, qui paraissait avoir été fort grand : il avait un anneau dont Gigès se saisit.

Tous les mois les bergers rend des comptes au roi de leur : mais avant de le faire, ils avaient coutume de se tenir en assemblée. Gigès hiver à l’ordinaire ; et il remarqua que ses camarades cessaient de le voir lorsque le chaton de son anneau se trouvait dans le dedans de la main.

Après des expériences souvent réitérées, il se fit député par les bergers, séduit la reine et assassina Candaule. Je ne dois pas dissimuler pourtant, que dans les imprimés de Platon il est dit formellement, que ce fut le père de Gigès qui fils servir à son ambition la découverte de cette bague si renommée. Je ne doute presque pas que le texte de Platon ne soit altéré ; autrement il serait difficile de concevoir que les auteurs qui sont venus après lui, ai suivi une voie toute différente.

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